Editions Séguier Janvier 2009
ISBN : 978-2-8404-9514-7
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Elissa Rhaïs

Le destin, pour les écrivains, est parfois cruel. Voici une romancière, née en Algérie, qui eut toutes les faveurs du public français au cours des années 1920. Elle fut fêtée à Paris, puis retourna vivre à Blida pour mourir en silence au début de la guerre. Oubliée.

Une "cabale" tenta de la salir dans les années 1980, en l’accusant d’avoir été analphabète. Et ce fut de nouveau le silence…

Elissa Rhaïs mérite aujourd'hui d'être reconnue pour ce qu'elle a été : une authentique écrivaine. Cette femme fut une des toutes premières, venue du cœur même de l'Algérie coloniale, à produire une œuvre originale et attachante. Une œuvre de femme, par sa thématique, son style, ses héroïnes, une œuvre que nous sommes invités à relire d'un œil neuf.

Elissa venait d'un milieu juif très modeste : rien ne la prédisposait à courir le redoutable risque de l'écriture. Aussi, pour être admise dans la république des lettres, dut-elle emprunter le masque fragile d'une mystérieuse musulmane. Mais seul, à l'époque, le talent faisait loi et le sien fut alors reconnu à sa juste valeur.

Dans son œuvre, elle nous donne à voir la dureté d'un monde sans pitié pour les faibles, sans pardon pour les fautes. Au travers de cette "âme populaire" qu'elle dévoile, c'est le coin d'un autre voile qu'elle soulève, celui qui cache l'insurmontable cruauté sociale de la belle colonie française. Elle qui allait devenir le chantre de l'œuvre civilisatrice de la France s’interdit d’édulcorer l'intensité du malheur des femmes et des hommes de cette terre. Comme les Prophètes du Livre, dont elle était familière, Elissa Rhaïs voit. Inspirée, elle entend ceux qui souffrent et les fait parler.

Joseph Boumendil

Élissa Rhaïs est un mystère. Cette femme fut sans doute l'auteur juif d'Afrique du Nord qui recueillit le succès littéraire pIus large de son vivant. Et on l'oublia...

Élissa Rhaïs reste un mystère : son nom a resurgi dans le domaine public au cours d'un mauvais procès qui lui fut infligé, au début des années 1980, c'est-à-dire plus de quarante ans après sa mort. Certains de ses livres furent réédités et elle retomba dans l'oubli. Un téléfilm a même été tiré du « roman » qui servit de pièce à conviction principale à ce fameux procès, et diffusé à plusieurs reprises. Mais personne ou presque ne s'est vraiment intéressé à elle.

Élissa Rhaïs est un mystère, car on sait assez peu de choses de sa vie... et de sa mort. Élissa Rhaïs est un mystère, car elle fut une femme à la fois simple et sincère, droite et fidèle, publique et secrète, mais aussi une femme ambitieuse qui n'hésita pas à faire des compromis souvent critiqués. Femme complexe, parfois masquée ou déguisée, mais la plupart du temps sans véritable malice.

Notre propos sera donc de dévider les fils de cette énigme en essayant de retrouver les repères principaux en vue de percer le mystère qui entoure Élissa Rhaïs et de comprendre les causes de l'étrange amnésie dont elle a été l'objet.

Il faut reconnaître que Rosine Boumendil (alias Élissa Rhaïs, son nom de plume) avait elle-même quelque peu miné le terrain, accumulant stratagèmes, dissimulations et silences, prenant plaisir, semble-t-il, comme son illustre contemporain, Sigmund Freud, décédé la même année qu'elle (1940), à rendre impossible la tâche de ses futurs biographes.

Mais il faut admettre malgré tout que la quantité est impressionnante d'erreurs volontaires ou involontaires qui sont commises régulièrement sur Élissa Rhaïs. L'absence de travail de fond sur cet auteur explique probablement cette dérive. La conséquence la plus regrettable en est une occultation complète de la personnalité authentique et de oeuvre de Rosine Boumendil. Il est temps, pensons-nous, de reconsidérer sa vie et son oeuvre dans leur environnement et dans leur époque et de nous efforcer de lui redonner la place qui lui revient de droit dans la littérature algérienne d'expression française.