Quels paysages magnifiques 
Aux yeux des voyageurs antiques 
Révélait la lointaine mer : 
Dans les tempêtes de l’hiver, 
Le miroitement des eaux vertes, 
L’effroi des roches découvertes, 
Surgissait un monde étonnant 
Qui, du Levant jusqu’au Ponant, 
A fait naître d’étranges fables. 
Un récit des plus délectables 
Et qui est riche de maints sens 
Nous vient des peuples de l’encens.
Bien loin du port et dans des eaux mystérieuses 
On vit flotter un sac de pierres précieuses 
Entouré de poissons qu’on nomme « Karacha ». 
Le navire au plus près vire et s’en approcha : 
Vite un pêcheur plongea pour tenter de le prendre 
Quand un dragon surgit, luttant pour le défendre, 
Et qui, gueule béante, attaqua le bateau. 
 
En ce tourment arrive à toute aile un corbeau : 
Il déchire du bec le menaçant reptile 
Dont le sang bouillonnant sur les vagues rutile. 
L’abîme alors vomit un deuxième serpent 
Qui, sur le monstre en sang, quelques perles répand ! 
La bête reprend vie et d’un terrible assaut 
S’efforce de nouveau de rompre le bateau. 
 
Mais soudain pointe au ciel une blanche colombe : 
Effarés à sa vue, s’enfoncent dans leur tombe 
Les deux monstres marins maudissant leur échec. 
Le messager ailé, doucement, de son bec 
Saisit le sac empli d’étincelantes gemmes 
Et sur le pont de bois en tout lieu les parsème : 
Perles, rubis, saphirs, émeraudes, opales… 
 
Le bateau transportait, enfouis dans une cale, 
Des carcasses d’oiseaux conservés dans le sel. 
Au contact des joyaux dispensés par le ciel 
Chacun d’eux ressuscite et leurs joyeux ramages 
Résonnent sur les flots jusqu’aux lointaines plages. 
Picorant les bijoux roulant de bord à bord 
Ils s’envolent au loin parés de ce trésor ! 
 
Les marins stupéfaits d’une telle aventure 
S’enfuirent de ces lieux à la plus vive allure. 
Ce conte merveilleux est ainsi achevé 
Et l’on souhaite au lecteur de parfois y rêver. 
            (inspiré du traité Baba Bathra, page 74a)  
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