Max Théon et la philosophie cosmique
Pascal Thémanlys
Bibliothèque Cosmique - 1955

L'ŒUVRE publiée par Max Théon et son épouse est selon nous aussi extraordinaire qu'elle a été peu comprise et peu connue des milieux intellectuels auxquels elle s'adressait. Les personnalités mêmes de Max Théon et de sa compagne, pour cette raison, mais également à causé de leur peu de goût pour la manifestation publique, sont demeurées presque inconnues. Ils appartenaient cependant à un degré d'humanité, dont la grandeur et les capacités supérieures suffisent à transformer les conceptions que nous pouvons avoir des possibilités humaines.

Max TheonL. M. Thémanlys, dans, Les Pionniers parus en 1920, évoquait ainsi son maître Max Théon:

"Je me souviens des jours où j'étais près de lui, quand il laissait déborder son coeur humainement héroïque, quand il évoquait l'avenir restitué. Combien profonde est la profondeur de sa tristesse ! Je me suis un instant penché sur elle et c'était un abîme. C'est pourquoi il est le porteur d'allégresse… Si vous en parliez superficiellement, vous diriez de lui qu'il est Shakespearien à cause des contrastes qui se résolvent en lui, à cause de l'inoubliable changement de son être selon le temps et l'heure. Celui-là l'a rencontré et ne l'a point connu. Cet autre a été obscurci par l'erreur philosophique qui lui faisait rechercher la perfection inexistante au lieu de l'intensité humaine des vertus humaines. Je l'ai vu très las et je me suis dis: Combien lourd a dû être le poids qu'il a porté, pour qu'il soit si las! Quel fardeau de responsabilité, quel bagage d'espérance a-t-il transportés à travers le désert pour que ses épaules soient meurtries et fléchissantes ? Il n'est pas bon que l'homme soit seul et plus il est grand, plus l'homme est seul. L'homme a besoin d'un champ de manifestation, et plus il est grand, plus le champ de sa manifestation est étroit au commencement, sur cette terre. Il est le héros parce qu'il vous dépasse de mille coudées, et parce que là où il a fléchi une fois, vous auriez fléchi cent fois, parce que là où il est tombé une fois, vous seriez tombé mille fois."

Déjà en 1908, dans un article de la Revue Cosmique, L. M. Thémanlys décrivait son Maître avec la même ferveur :

"Ses longs cheveux châtain clair encadrent un visage irradié d'intelligence et d'enthousiasme. Ses yeux parlent en gerbes fluidiques. Ses mains admirablement fines semblent soulever des océans de force, et sous sa calotte cramoisie, son front inoubliable apparaît comme un centre de lumière."

si le culte des personnalités a souvent divisé les doctrines et les groupements, il n'en demeure pas moins vrai que ce sont les individualités supérieures qui manifestent l'Universel, comme le dit une belle parole de la Tradition Cosmique (Chroniques de Chi) : "Les petites individualités chantent les grandes, et les grandes individualités chantent ce qui est cosmique."

L'H. B. of L.

Le premier document dont nous disposions pour situer l'activité de Max Théon avant la fondation du Mouvement Cosmique se rapport à l'H. B. of L., "Cercle extérieur de la Sainte Fraternité de Louxor", dont Max Théon était à cette époque le grand Maître, et Peter Davidson, philosophe écossais qui publia plusieurs ouvrages aux Etats-Unis, le Chef visible.

Il est d'autant plus intéressant d'utiliser la documentation concernant l'H. B. of L. que cet ordre eut une influence considérable dans tous les milieux de l'occultisme occidental. Etudiant la vie de Blavatski, qui avait appartenu à l'H. B. of L., G. Marvin Williams semble croire à tort que Mme Blavatski se vantait de faire partie de la mystérieuse H. B. of L., fraternité initiatique qui n'aurait existé que dans son imagination pour impressionner le public.

Nous emprunterons d'abord à des notes dues au philosophe Leleu, concernant l'H. B. of L., la Théosophie et la Philosophie Cosmique, quelques passages qui, bien qu'ils contiennent certaines erreurs, nous ramènent à l'atmosphère de cette période :

"Avant 1900, la Revue l'Initiation fit souvent allusion à la mystérieuse H. B. of L. On sut plus tard qu'elle était dirigée par Max Théon. Ses initiales sont celles des phrases anglaises : Holy Brotherhood of Light, ou of Louxor. On connaît un exemple d'admission en forme faite en France par l'entremise de Charles Barlet et acceptée par Peter Davidson, grand Maître provincial. Un peu avant les débuts du mouvement occultiste, vers 1880, Barlet avait été parmi les fondateurs de la Loge Isis. Il entra peu après en relations avec l'H. B. of L. dont le but était d'établir en Occident des centres extérieurs de résurrection des rites d'initiations anciennes. Il y eut des dissidences, et Blavatski et Olcott furent exclus de l'H. B. of L. L'ordre songea à fonder une colonie agricole en Amérique, que devait diriger Th. Burgogne, auteur de La Lumière d'Egypte (publiée en réponse à La Lumière d'Asie de Blavatski).
"En 1888, les occultistes ayant quitté la Loge Isis, Papus et Barlet avaient en vue de se rattacher comme centre supérieur à l'H.B. of L., mais ce projet n'aboutit pas et ils fondèrent l"ordre cabbalistique de la Rose-Croix. En 1885 et 1886 l'H. B. of L. avait pour organe "L'Occulte Magazine", publié à Glasgow. Plus tard, Davidson publia The morning Star. Mme Blavatski s'était détachée de l'H.B. Of L. dès 1877. Elle avait eu pour premier Maître le Magicien Paulos Métamon, d'origine copte ou chaldéenne, qu'elle avait rencontré en Asie Mineure en 1848 et retrouvé au Caire en 1870. Or, quelques-uns pensaient que le Dr. Max Théon était le fils du Mage Métamon."
Nous avons sur l'H.B. of L. un document beaucoup plus authentique, Origine et objet de l'H.B. of L. probablement écrit par Peter Davidson lui-même, et dont nous donnons ici l'essentiel :
L'emblème de l'H.B. of L.
"Le cercle intérieur de l'H.B.of L. fut formé dans un ordre hermétique distinct par suite d'une division qui se produisit dans les rangs des initiés hermétistes, 4230 ans avant l'année 1881 de notre présente ère. Cette division était la conséquence de la différence naturelle qui existait entre les initiés appartenant à la caste sacerdotale, et ceux qui avaient été sérieusement éprouvés et gradés dans les écoles de l'Occultisme… Les pontifes sacerdotaux initiés, qui devinrent les Chefs des ordres mystiques, étaient en relations avec le sacerdoce.
"Les vrais adeptes étaient les maîtres de ceux qui pendant cette période, étaient considérés comme des philosophes, mais non d'une religion spéciale, et qui encoururent le mécontentement de leurs frères prêtres. Thèbes était le quartier-général de la caste sacerdotale, et Louxor, où se trouvait le quai de débarquement de la cité, reçut le centre très humble des fidèles disciples du Grand Maître Hermès Trimégiste. De ces deux ordres, tout l'Occultisme de l'Ouest et les cultes des anciennes nations occidentales sont dérivés.
"Les initiés d'Hermès n'ont rien emprunté à l'Inde, et la similitude apparente qu'on remarque entre bien des noms hindous et égyptiens, ainsi qu'entre leurs doctrines, n'est pas la preuve que l'Egypte ait reçu ses doctrines de l'Inde, mais démontre que les traits principaux de leurs enseignements respectifs sont dérivés du même stock originel, et cette source originelle n'est ni l'Inde ni l'Egypte, mais l'Ile de l'Ouest, actuellement disparue."
"En 1870, et non 1884 comme l'a dit le Théosophiste, un adepte du calme, toujours existant et ancien ordre de l'H.B.of L. après avoir eu le consentement de ses frères initiés, résolut de choisir en Grande-Bretagne un néophyte qui répondrait à ses desseins. Il aborda en Angleterre en 1873. Il y découvrit un néophyte qui satisfit ses vues et l'instruisit graduellement. Le néophyte en question obtint la permission d'établir un cercle extérieur de l'H.B. of L.
"L'H.B. of L. possède un grand nombre de membres dispersés dans le monde, et ses buts et son objet peuvent être brièvement indiqués comme suit : la fraternité universelle de l'humanité, la diffusion des principes des sciences occultes et des anciennes religions et sagesses dans le peuple, la diffusion des doctrines secrètes de l'ésotérisme parmi les membres, et enfin l'établissement de centres extérieurs pour la remise en vigueur des rites des anciennes initiations." (Juillet 1887).
La déclaration de l'ancien et noble ordre de l'H.B. of L. signée "M. Théon, Grand Maître pro tempo du Cercle extérieur", contient des principes élevés et d'importantes données :
"Nous reconnaissons l'existence éternelle de la Grande Cause Lumière, le soleil divin, invisible, central dont l'âme palpitante et glorieusement radiante expire le souffle vivant, principe vital de tout ce qui existe et existera jamais. C'est de ce sommet divin que procède l'invisible Pouvoir qui relie le vaste univers en un tout harmonieux.
"Nous enseignons que de ce centre incompréhensible de la Divinité émanent les scintillations divines de l'Esprit éternel qui, après qu'elles ont accompli leur orbite, le grand cycle de la Nécessité, constituent la seule portion immortelle de l'âme humaine. Mais en acceptant ainsi l'universelle filiation de l'Humanité, nous rejetons la doctrine de l'égalité universelle…
"Nous n'avons aucune considération personnelle, et nu ne peut progresser dans l'Ordre avant d'avoir accompli la tâche qui lui a été proposée. Celle-ci sert d'épreuve pour son aptitude à une initiation plus avancée.
"Souvenez-vous que nous enseignons librement et sans réserves tous ceux que nous trouvons dignes de recevoir l'instruction.
"Voici encore quelques règles à observer :
"L'Ordre consacre ses énergies et les ressources dont il dispose à découvrir, conquérir et appliquer les lois cachées et latentes ou les forces actives dans tout département de la nature, à les subjuguer à la volonté impériale de l'âme humaine, dont notre Ordre cherche à développer les pouvoirs et les attributs, afin d'établir cette individualité immortelle qui met l'esprit complet en état de dire : Je suis."
"Les membres s'engagent à essayer au mieux de leur capacité de mener une existence pureté morale et d'amour fraternel, à s'abstenir en toutes circonstances de l'usage des toxiques, sauf avis spécial des médecins, et encore à travailler au progrès de toutes les réformes sociales pour le bénéfice de l'humanité en général.
"Enfin, les membres de l'Ordre ont pleine liberté pour le franc et complet exercice de leur raison et de leur jugement. En aucun cas un membre n'a le droit de se montrer irrespectueux de la croyance religieuse d'un autre ou de lui imposer ses convictions.
"Chaque membre de notre ancien et noble Ordre doit s'efforcer d'en soutenir la dignité en devant un exemple vivant de pureté, de justice et de bienveillance. Car quelles que puissent être les circonstances, vous pouvez, si vous le voulez, devenir un centre vivant de bonté d'où rayonne tout ce qui est vertu, noblesse et vérité."

Nous verrons par la suite que Max Théon résolut de dissoudre le Cercle extérieur de l'H.B. of L., ce qui signifie qu'il s'écarta volontairement des méthodes dites initiatiques. L'enseignement qu'il voulut donner était certes initiatique en ce sens qu'il était puisé aux sources ésotériques. Mais il était étranger au formalisme ritualiste et aux gradations mystérieuses des sociétés plus ou moins initiatiques. "Nous travaillons à désocculter l'occulte", dit un jour Max Théon.


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