Max Théon et la philosophie cosmique
Pascal Thémanlys

La littérature cosmique

L'interprétation des textes anciens est une des plus éblouissantes réalisations cosmiaues. Elle sait découvrir dans la lettre des livres sacrés des vérités plus voisines de convictions de tel libre-penseur que de celles d'un naïf croyant, car les traditions figées perdent leur efficacité lorsque leurs dépositaires se détournent de la logique et de l'expérimentation. C'est en rendant une actualité aux préceptes que les animateurs des grands mouvements historiques ressuscitèrent de glorieux passés. Ils firent figure de réformateurs en préchant le retour à une doctrine que les âges avaient déformée. Ils eurent toujours une attitude plus ou moins révolutionnaire, en exaltant le passé lointain ou les possibilités de l'avenir.

L'œuvre cosmique expose toute une science des degrés de la substance cosmique. Cette science, voisine de la science des nombres, a été méconnue par les exégètes officiels des diverses religions dans l'interprétation biblique. Ceux-ci s'efforcent en effet d'envisager des rapports entre le Sans Forme et l'état physique, en négligeant des séries de degrés invisibles ou en les confondant entre eux. Ils prêtent les qualités d'un nombre à un autre nombre et prennent des manifestations formelles pour le Non-Manifesté.

Dans le conflit permanent qui oppose la morale du devoir et la morale du plaisir, la morale cosmique de la joie collective concilie les points de vue.

Dans la littérature cosmique, la vie contemplative et les dons psychiques en action présentent un aspect inattendu de la réalité humaine.

Max Théon dit un jour qu'il ne prétendait être qu'un étudiant de la psychologie. Mais dans ce domaine comme dans celui de la compréhension des anciennes doctrines, l'œuvre cosmique apporte un renouveau sans précédent. L'indifférence avec laquelle ces publications furent accueillies par les élites contemporaines peut être un sujet d'étonnement si l'on tient compte de la beauté littéraire de certaines pages, de leur originalité et de leur puissance intellectuelle.

Chaque manifestation de la sagesse orale a des formes nouvelles. Ainsi les livres cosmiques ne ressemblent aucunement aux précédentes révélations initiatiques. S'ils atteignent parfois à une beauté biblique, ils ne s'apparentent cependant avec aucun texte connu. La sensibilité la plus divinement humaine baigne de poésie des récits qui ne craignent pas de décrire le drame cosmique, et les pensées, les paroles et les actes des grands formateurs. Cet amour impersonnel que le vocable cosmique nomme le Pathétisme et qui résume à la fois la compréhension, la patience, le dévouement et la tendresse, est la fore suprême qui transparaît à chaque instant.

Ces livres comptent parmi les rares écrits que l'on peut relire et méditer sans jamais s'en lasser. De ces écrits-là, un texte ancien dit : "Celui qui a lu ce livre cent fois et celui qui l'a lu cent une fois ne connaissent pas le même livre". Bien des peuples peuvent y retrouver le souvenir de leur passé le plus noble : l'émouvante rencontre de l'Initié et de Vophi évoque la Chine millénaire. La troisième Evocation, les Etudes Védiques, se réfèrent à l'Inde, le Chaldéen éblouissant de lumière et de musique intérieures nous conduit d'abord dans le Proche-Orient, puis chez les Celtes. Les études classiques interprètent les mythes grecs. A un certain degré d'élévation et de pratique spirituelle, la diversité du langage fait place à l'unité de la tradition ésotérique. Ce qui émane alors d'une telle source ne se présente pas comme un syncrétisme en habits d'Arlequin, mais en une lumière blanche, capable d'être irisée. La Tour de Babel échouera toujours, mais l'Echelle de Jacob, en descendant du ciel, peut relier les mondes. Les dépositaires de la connaissance initiatique orale, en en révélant de nouveaux aspects, espéraient contribuer à améliorer le triste état actuel de l'humanité. Toutes les visions du passé, disaient-ils, ont pour but de nous mieux préparer à ce qui pourrait être.

L'œuvre cosmique est traditionnelle, mais non traditionaliste, car si elle se réclame de la grande Tradition universelle, elle se méfie des traditionalismes locaux. Elle manifeste des thèmes nouveaux pour nous, thèmes essentiels qui appartenaient à la connaissance du passé, mais dont les superstructures et les usages nous ont voilé l'importance, ou pratiques conservées dans des milieux restreints. Elle est étrangère à la politique et cependant, elle est sociale. Elle est généralement considérée comme spiritualiste ; or il est intéressant de noter que ses promoteurs aimaient à se dire matérialistes et admiraient le Monisme d'Haekel. On y chercherait en vain le langage habituel de la métaphysique ou de la théologie, les principes de raison ou les subtilités des psychologues modernes.


Accueil