La
harde des caribous d'Amérique Aurait vécu de façon bucolique S'ils n'avaient craint les mauvais coups De la meute avide des loups. Le chef des caribous partit en ambassade Espérant arriver avec une embrassade A conclure un traité assez bien rédigé Pour se mettre à l'abri de tout futur danger. Laissez nous pâturer à notre convenance, Dit-il, en lui faisant profonde révérence, Et nous vous rendrons bons offices, Vous préservant de bien des maléfices ! Le roi des loups se feignant peu méchant, Bien que déjà ses lèvres pourléchant Au penser de croquer la savoureuse bête, Le convie aussitôt à la fête Célébrée au printemps, au bord du Skeenya (*). C'est là que face à face on vint et s'aligna. Nous allons rire ont dit les loups, gueule béante, Ha ! ha ! les caribous que chacun de vous chante En riant comme nous pour sceller notre paix. Alors les caribous brament un mê ! mê ! mê ! Gardant leur bouche à demi-close. Ah non ! dirent les loups, ce ton est trop morose. Il faut à pleine gorge hurler avec fracas Ha ! ha ! ha ! ha ! et non ainsi bêler tout bas. Dégageant alors leurs babines Les caribous en grand émoi se déterminent A simuler de rire avec un grand éclat. Mais ce bel effort tombe à plat : Les voyant démunis de fortes incisives, Les loups montrent enfin leurs humeurs agressives Et poursuivant les caribous déçus A grand bonds les voilà qui vont leur courir sus. Plus d'un périt de ce peuple herbivore Que depuis lors le loup, autant qu'il peut, dévore. Désormais rendu plus prudent Le peuple caribou se garde de leur dent. Ainsi, petits Etats, vivant sans méfiance , Redoutez de tomber par votre insouciance Sous la griffe de voisins envieux : Une paix vigilante est un don précieux. |
© J.R. Weill |